Rencontre
18 septembre 2024 - 13H 1 boulevard Edmond Michelet – 69008 Lyon
Rencontre
Certains producteurs de résines orthophtaliques ont imposé des augmentations de prix parfois supérieures à 500 euros/tonne, mais rarement inférieures à ce montant. Si bien que les prix de ces substances utilisées par de nombreux transformateurs de matériaux composites ont augmenté de 200% en un an. Derrière ces variations de prix insoutenables se cache en fait l’envolée du cours du styrène, qui ne cesse d’atteindre de nouveaux sommets depuis la déclaration fatidique d’une Force Majeure par la coentreprise de LyondellBasell et Covestro sur la production de styrène du complexe pétrochimique de Maasvlakte, à Rotterdam, le 11 février dernier.
Ce complexe fait partie des sites clés de production de styrène en Europe, avec une capacité de production annuelle estimée à 640 000 tonnes. Les deux pétrochimistes avaient expliqué vouloir faire redémarrer le site à la mi-avril. La Force Majeure ayant a priori été levée depuis, tout laisse croire que celui-ci fonctionne à nouveau normalement. Tous les regards se tournent désormais sur la capacité des producteurs européens de styrène à reconstituer rapidement des niveaux de stock corrects pour pouvoir assurer la stabilité du marché.
En effet, la pandémie et les difficultés logistiques qu’elle entraîne, conjuguées à la crise du fret maritime international, n’ont pas permis au marché européen de reprendre les importations de styrène produit aux Etats-Unis. L’offre européenne du monomère étant sous-capacitaire, ces volumes produits à l’étranger manquent cruellement aux transformateurs qui en plus de devoir affronter d’intenables hausses de prix, doivent également composer avec de graves difficultés d’approvisionnement. Le blocage du Canal de Suez a également retardé les livraisons de monomère produit en Inde et au Moyen Orient attendues en avril.
Le cours du styrène suivait déjà une tendance résolument haussière depuis novembre 2020. Il avait en effet enregistré une augmentation cumulée de 329 euros/tonne entre novembre 2020 et février 2021. La Force Majeure évoquée plus haut a provoqué une explosion du cours en mars, faisant augmenter le coût du monomère de près de 50% d’un mois sur l’autre. La situation ne s’est guère améliorée de puis, avec une hausse de 20% du cours du styrène en avril dernier, et de 87 euros/tonne ce mois-ci. Les prix contrats du monomère en Europe s’approchent donc dangereusement du seuil des 2000 euros/tonne.
Au-delà du seul phénomène de pénurie, on peut également imputer la hausse du cours du styrène à la variation de celui du benzène.
La situation détaillée ci-dessus a été particulièrement impactante pour les filières situées en aval de la chaîne de valeur du styrène. Celle des matériaux composites en fait partie. Absorber de telles augmentations de prix dans un laps de temps aussi court n’a pas été possible pour de nombreux acteurs. Nombreux sont ceux qui ont donc fait le choix de produire moins de substances utilisées dans la production de matériaux composites afin d’éviter de perdre leurs marges, ou de se retrouver avec des stocks de matériaux sur les bras.
Certains secteurs utilisateurs de matériaux composites, comme ceux de la piscine et du bâtiment, entrent dans ce que l’on appelle la « haute saison » pour leurs activités. Les chantiers vont en effet bon train au printemps et les consommateurs envisagent de réviser leurs aménagements extérieurs, en particulier depuis qu’ils sont contraints de passer plus de temps chez eux. D’autres marchés, comme celui de l’automobile, profitent également d’un début de reprise économique. Tous ces acteurs se retrouvent confrontés à une baisse des volumes de matériaux mis sur le marché au moment où leurs besoins augmentent.
Les prix de ces résines on tendance à évoluer en suivant les variations du cours du styrène. L’envolée de ce dernier à partir du mois de mars s’est donc fait sentir sur ce marché. Le cours du monomère avait augmenté de 312 euros/tonne en avril dernier, mais les producteurs de résines orthophtaliques ne se sont pas contentés de reporter purement et simplement cette hausse. Le prix de ces matériaux a ainsi pu augmenter de plus de 500 euros/tonne en fonction des fournisseurs.
Confrontés à des prix jusqu’ici jamais vus, nos adhérents sont nombreux à renoncer à commander plus de volumes que ce qui leur est strictement nécessaire pour poursuivre leurs activités. Comme pour la filière plasturgie, elle aussi confrontée à des pénuries dramatiques de matériaux, le risque pour ces entreprises est, à terme, de devoir arrêter des lignes de production, voire de repousser de nouveaux projets et de perdre certains de leurs clients.
La nouvelle hausse de 87 euros/tonne du cours du styrène en mai 2021 n’est pas une bonne nouvelle pour les transformateurs de résines orthophtaliques. Ils devront également composer avec une récente déclaration de Force Majeure sur la production d’epoxy d’un site néerlandais. A cela s’ajoute l’augmentation des cours d’autres substances chimiques utilisées dans la production de ces résines.
Les tensions sur l’offre européenne de styrène semblent cependant s’apaiser et, si aucune Force Majeure ou arrêts inopinés ne sont déclarés entre temps, la tendance haussière suivie par le monomère pourrait peut-être s’estomper au cours du second semestre 2021. Cela pourrait également être encouragé par le retour attendu des importations de styrène produit aux Etats-Unis sur le marché européen.
Le cabinet d’études nord-américain Gardner Intelligence publiait début 2021 des données sur l’évolution à l’échelle mondiale des volumes produits par les fabricants de fibres de verre. Il en ressort leur activité a fortement chuté au printemps 2020, au moment des premiers confinements, et également que celle-ci n’a toujours pas retrouvé le niveau d’avant crise. La demande se maintient toutefois à un niveau normal.
Le déficit de l’offre mondiale de fibres de verre serait apparemment causé par un taux de production insuffisant pour couvrir l’ensemble des besoins, ainsi que par l’allongement des délais de livraison causés par la crise du fret international. Il en résulte des pénuries pour certains formats de rovings.
De nombreux distributeurs et transformateurs ont témoigné auprès de Gardner Intelligence des délais de livraison importants qu’ils subissent, en particulier pour les formats « multi-end rovings » (gun et SMC rovings), « chopped strand mat » et « woven rovings ». Nos adhérents ont confirmé cette problématique dans l’édition de mars-avril 2021 du Baromètre des Matières Plastiques.
Il faut également tenir compte de l’impact de la tempête Uri, qui s’est abattue mi-février sur le Golfe du Mexique, sur le marché nord-américain des fibres de verre. La situation était particulièrement critique aux Etats-Unis début mars, d’où des tentatives d’importation de fibres produites ailleurs dans le monde. Dans tous les cas, ce déséquilibre provoque des hausses de prix importantes à travers le monde.
Le déséquilibre entre l’offre et la demande mondiales s’explique d’une part par la forte reprise économique de certains secteurs, comme l’automobile ou la construction d’infrastructures, en fonction des régions, et de la Chine, alors que les producteurs peinent à accélérer leur production pour pouvoir y répondre.
La demande chinoise pour les biens récréatifs (véhicules, piscines, aménagements extérieurs) et le domaine de l’énergie (éolien) fait progresser fortement sa consommation de fibres de verre. Or, ni la Chine, ni le reste du monde, n’ont investi dans l’augmentation des capacités de production pour ces matériaux. Au-delà du déséquilibre conjoncturel observé ces derniers mois, le risque pour les transformateurs européens et mondiaux de fibres de verre est de voir ce dernier devenir structurel si les producteurs ne saisissent pas l’opportunité d’investir.
D’autre part, les producteurs feraient eux-mêmes face à des délais de livraison des matières premières qu’ils utilisent, ainsi qu’à la hausse des coûts de ces dernières depuis le dernier trimestre de l’année dernière.
Il faut aussi tenir compte du cas particulier des producteurs chinois de fibres de verre qui ont, jusqu’à récemment, fait le choix d’absorber les droits de douanes à 25% imposés par Trump pour pouvoir exporter une partie de leurs volumes aux Etats-Unis. La reprise économique chinoise et la hausse de la demande domestique qui l’accompagne les pousse désormais à renoncer à l’export pour privilégier le marché chinois. A cela s’ajoute le fait que le yuan s’est significativement renforcé vis-à-vis du dollar depuis mai 2020, alors que les coûts énergétiques, des matières premières, des transports et des métaux précieux augmentent. Les fibres de verre produites en Chine qui sont encore exportées aux Etats-Unis ont ainsi vu leurs prix augmenter de façon régulière. Dans tous les cas, l’Europe n’est pas une destination prioritaire pour ces exportations.
La quasi-impossibilité de recourir aux importations de fibres de verre et la forte hausse des cours du fret maritime ont négativement impacté le marché européen en avril. Les prix suivent donc une tendance haussière, avec de légères hausses à deux chiffres observées le mois dernier.
Les disponibilités varient cependant en fonction des applications. La pénurie de polymères participe à réduire la demande de fibres de verre pour les applications automobiles, et ce segment de marché est donc moins déséquilibré que les autres. En ce sens, les augmentations de prix y sont moins importantes.
Le segment pour les grades direct rovings est quant à lui confronté à des pénuries plus importantes. Ces dernières découlent en effet d’une augmentation des volumes importés par l’Asie, et notamment par la Chine. Pour ces matériaux, les hausses de prix ont frisé 50 euros/tonne en avril.
Il semblerait toutefois que la production de fibres de verre à l’échelle mondiale retrouve peu à peu un niveau normal. Il faudra cependant plusieurs mois pour que les puits de demande générés par laes pénuries ne s’estompent. Une amélioration de la situation peut donc être espérée au cours du second semestre 2021, peut-être à l’automne prochain. Il est en revanche fort à parier que, comme c’est également le risque pour les polymères, les niveaux de prix demeurent élevés jusqu’à l’année prochaine. Les fournisseurs de l’ensemble des matériaux utilisés par la filière plasturgie et composites ont en effet pu reconstituer des marges importantes au cours des derniers mois, et rien ne laisse penser qu’ils soient prêts à les réduire rapidement.