Le point sur les tendances de prix du plastique au printemps 2022

9 mai 2022
Prix du plastique au printemps 2022
Mars 2022 a été marqué par une tendance résolument haussière des prix du plastique en Europe. La crise de l’énergie impacte en effet les cours des monomères et ces variations se traduisent par des augmentations de prix en aval de la filière. On assiste également à une recrudescence des cas de Force Majeure et arrêts de production, qui mettent en danger la disponibilité des matériaux en Europe.

Une situation très difficile à gérer pour les plasturgistes, qui étaient déjà confrontés à des niveaux de prix anormalement élevés.

Le déclenchement du conflit russo-ukrainien fin février 2022 a suscité la panique sur les marchés de l’énergie. Les cours du pétrole et du naphta se sont envolés, avant de s’apaiser. Ceux de l’éthylène, du propylène, du styrène et d’autres précurseurs des polymères continuent quant à eux de grimper. A cela s’ajoute la volonté de certains fournisseurs de polymères d’imposer des surcharges énergétiques à leurs clients, quitte à rompre les contrats, pour reporter sur eux la hausse des coûts énergétiques.

Des plasturgistes ont été contraints d’accepter l’application de ces surcharges énergétiques car la rupture des contrats pourrait potentiellement conduire à des difficultés d’approvisionnement. De nombreux fabricants européens de monomères ont en effet réduit leurs volumes de production, et les disponibilités des polymères s’en trouvent contraintes. Les plasturgistes qui demandent des quantités supplémentaires à celles prévues dans leurs contrats les obtiennent rarement et, d’après les résultats de la dernière édition de l’enquête Baromètre des Matières Plastiques de Polyvia, les livraisons de volumes prévues par les contrats sont bien souvent incomplètes et/ou en retard.

Voir la liste des sites de production de monomères et de polymères à l’arrêt

Le printemps signe également le retour de la haute saison pour plusieurs marchés stratégiques de la filière plasturgie et compostes. C’est notamment le cas pour le bâtiment et certains emballages plastiques, comme les bouteilles et les bouchons. D’autres marchés ne semblent au contraire pas près de reprendre du poil de la bête. C’est notamment le cas de l’automobile.

Le retour saisonnier de l’activité sur certains marchés et la baisse continue de cette dernière pour d’autres devrait, en temps normal, impacter la demande. Les hauts niveaux de prix du plastique limitent cependant l’impact des fluctuations printanières de la demande sur les variations de prix, preuve que le cycle inflationniste actuel est hors du commun.

Commodités : pas de répit pour les prix du plastique

Polyéthylènes : ralentissement de la demande en vue

Début mars a été marqué par un certain attentisme de la part des plasturgistes, d’une part pour voir dans quelle direction les annonces de prix des fournisseurs allaient s’orienter - finalement à la hausse, et d’autre part pour saisir des opportunités de reconstituer des stocks de matériaux à meilleur prix.

La plupart des industriels n’ont dans un premier temps commandé que les quantités strictement nécessaires au maintien de leur activité, avec dans certains cas des renoncements puisque l’incertitude émane désormais du côté de leurs ventes. Le prix du PE est en effet très élevé – 2200 à 2700€/t selon les grades - et les plasturgistes ont des difficultés à reporter la totalité des hausses de prix sur leurs clients. Leurs marges étant en danger, certains font le choix d’arrêter certaines productions.

Le mois de mars a démarré lentement pour les PE, avec une demande modérée, alors que les carnets de commande ont été fermés très tôt. Cette décision a conduit à des hausses de prix importantes sur la seconde moitié du mois, puisque les acheteurs n’avaient plus d’autre option que de commander. Ces commandes effectuées en urgence se sont traduites par une hausse artificielle de la demande mi-mars, permettant ainsi aux fournisseurs de passer plus facilement des hausses de prix.

L’offre européenne de PE suffit, en théorie, à couvrir la demande. Cela devrait logiquement entraîner des chutes de prix. Ces derniers ont cependant tendance à augmenter, parfois fortement. Le rebord des commandes évoqués plus haut a en effet conduit à l’application de surcharges énergétiques.

L’incertitude générée par la guerre en Ukraine a perduré tout au long du mois d’avril, avec là encore des appels à la hausse de la part des fournisseurs. Ces derniers ont pu s’appuyer sur le retour des pénuries pour certains grades PE - notamment les grades pipe utilisés pour fabriquer des canalisations - et ont eu l’occasion de passer des hausses supérieures à celle du monomère (+230 €/t pour les cours contrat de l’éthylène début avril).

L’insuffisance de l’offre étant toujours d’actualité fin avril, on peut s’attendre à des velléités de hausses en mai. Pas sûr que la demande suive car étouffée par les prix records. Il faut néanmoins espérer que la baisse de 70€/t du cours de l’éthylène en début de mois se fasse ressentir sur les prix du plastique.

Polypropylènes : de potentielles tensions sur les disponibilités

Comme pour l’éthylène, le marché européen du propylène a mal accueilli l’annonce de la guerre en Ukraine. Le cours du monomère enregistrait ainsi une augmentation de 95€/t début mars 2022. Les producteurs de PP ont donc cherché à reporter ces coûts sur l’aval de la filière. Dans le même temps, les prix de l’énergie ont explosé sur fond de sanctions de l’Union Européenne et des Etats-Unis à l’encontre de Moscou.

Il en ressort que les formules de calcul des coûts de production des producteurs de PP ont été rendues caduques par les événements de fin février et, comme pour le PE, ces derniers ont décidé de fermer leurs carnets de commande plus tôt que d’habitude. La panique passée, les coûts de l’énergie ont suivi une tendance baissière et les producteurs de PP ont dû renoncer, au moins en partie, aux surcharges énergétiques exorbitantes qu’ils tentaient d’imposer à leurs clients.

Le répit fut néanmoins de courte durée avec une nouvelle avalanche de hausses de prix en avril, le cours du propylène ayant brutalement augmenté de 225€/t. Des surcharges énergétiques ont pu être demandées dans la foulée, avec comme argument la volatilité des cours du gaz naturel. Les prix européens du PP atteignent en fin de compte des sommets : 2500 à 2700€/t selon les grades, les compounds étant sujets à de plus fortes hausses de prix.

L’approche de la saison des maintenances, bien que moins forte qu’habituellement, et les cas de Force Majeure toujours en vigueur, laissent entendre que l’offre ne va pas s’améliorer en mai, et les importations ne sont pas aussi abondantes qu’espérés en raison de la crise logistique mondiale. Les contrats ont été plus ou moins respectés jusqu’ici, à voir si c’est toujours le cas au 2nd trimestre pour les PP.

Le cours européen du propylène a lui aussi chuté début mai : - 65€/t. Il est possible que les prix du PP enregistrent de légères baisses ou que les fournisseurs accordent des rollovers si la demande ne suit pas. Les tendances de prix pour ce plastique dépendront en effet des volumes commandés.

Polystyrène et ABS : hausses de prix au menu

Les problèmes déjà rencontrés par les marchés européens des dérivés du styrène se sont malheureusement aggravés en mars 2022, alors qu’on espérait plutôt une amélioration de la situation.

Les prix ont connu une première hausse après l’annonce de la forte augmentation du cours du styrène (+93€/t). Les prix des PS GP et expansés ont enregistré un report de l’évolution du cours du styrène. Pour l’ABS, les hausses se sont montrées assez hétérogènes car certains industriels ont eu l’opportunité d’importer certains grades, à meilleur prix, depuis l’Asie. Les hausses de prix ont cependant pu varier fortement en fonction des volumes et des grades commandés.

Les commandes passées plus tard dans le mois ont quant à elles fait l’objet de demandes de surcharges énergétiques très importantes, tant pour le PS que l’ABS. Les prix des grades PS GP et ABS se sont approchés de leurs records passés, tandis que ceux du PS-E ont atteint de nouveaux records.

Les prix de l’ABS étaient compris entre 3200 et 3500€/t selon les grades en mars dernier, selon le Baromètre des Matières Plastiques de Polyvia. Ceux du PS oscillaient entre 2400 et 2600€/t, toujours selon la même enquête.

Les industriels sont passés de Charybde en Scylla en avril, avec l’explosion du cours du styrène en début de mois (+360€/t).  Le cours du butadiène a quant à lui augmenté de 200€/t et celui de l’ACN de 400€/t sur la même période. A cela s’ajoutent des problèmes logistiques graves, avec des hausses du coût du transport pour ces matériaux.

La rumeur veut que certains plasturgistes envisagent d’arrêter certaines de leurs productions utilisant ces grades. Le futur des stocks et approvisionnement européens en gaz naturel pourrait bien rendre celle-ci réalité, d’autant plus que les cours européens du styrène et du butadiène ont respectivement augmenté de 84€/t et de 14.5€/t début mai.

PET : arbitrages en cours entre le vierge et le recyclé

Les tensions sur le PET vierge se sont ravivées en mars suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cela s’est traduit par des demandes d’augmentations à trois chiffres par les producteurs. On a vu passer des hausses particulièrement élevées à la fin du mois.

Il devient également difficile d’importer des volumes de PET vierge depuis le reste du monde. Aucun volume significatif n’arrive de Chine ou d’Amérique du Nord, et les lots produits en Inde et au Moyen-Orient s’avèreraient, dans certains cas, non-conformes à la réglementation européenne et donc inutilisables.

Des producteurs ont également, en prévision de maintenances en Turquie et en Espagne devant être lancées en avril, réduit les volumes qu’ils mettaient sur le marché en mars afin de constituer des stocks suffisants pour assurer leurs livraisons pendant ces arrêts.

Avril, c’est aussi le retour de la haute saison pour le PET avec des industriels qui cherchent également à constituer des stocks de matériaux, et si possible rapidement. Des hausses à trois chiffres ont été annoncées, sans surprise, en cours de mois.

Même si ces deux maintenances se sont passées normalement (Indorama à San Roque notamment), l’offre risque d’être insuffisante pour couvrir les besoins en mai, avec les effets que l’on sait.

Il faut également anticiper un report de la demande de PET recyclé sur le PET vierge en mai. Les acheteurs de rPET sont eux aussi confrontés à de fortes hausses ; les prix des grades recyclés ayant largement dépassé le seuil critique des 2000€/t. Ces augmentations de prix sur le PET recyclé sont, entre autres, causées par la rareté des déchets plastiques, et notamment des bouteilles à recycler. Le coût des déchets en PET augmente, et ces hausses sont reportés sur l’aval de la chaîne de valeur du recyclage.

PVC : désormais 22 mois de hausses de prix quasi-consécutives au compteur

Mars fut le 22ème mois de hausses de prix pour les PVC en Europe, sans inversion en vue pour cette courbe.

Les hausses de prix du plastique annoncées par les producteurs début mars tournaient autour de 50€/t, soit bien moins que la hausse du cours du C2 (+93€/t).

La deuxième partie du mois s’est cependant accompagnée d’un phénomène jusqu’ici jamais vu : les producteurs ont appelé à une hausse de prix à trois chiffres, y compris pour les commandes déjà passées, en se justifiant par l’explosion des coûts énergétiques provoquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Les cours de l’énergie ayant chuté peu après, ces hausses ont pu être révoquées assez facilement par la suite. D’autant plus que les producteurs européens ont été confrontés à un retour temporaire des importations provenant d’Asie et des Etats-Unis, proposées à bien meilleur prix.

Les demandes de hausses de prix en Avril se sont avérées bien plus importantes que celles du cours du C2, avec des propositions allant jusqu’à 300€/t. L’offre demeurait tendue, avec des problèmes de production aux Pays-Bas et en France. La Force Majeure annoncée par Vinnolit pour ses sites allemands à la fin du mois ne laisse rien présager de bon pour mai, alors que le BTP entame officiellement sa haute saison. Innovyn a également déclaré un cas de Force Majeure sur sa production de PVC tout début mai.

Polymères techniques : prix élevés, surcharges énergétiques et ralentissement de la demande

Le Baromètre des Matières Plastiques de Polyvia brossait un portrait peu plaisant du marché des plastiques techniques en mars dernier. Les prix des PA dépassaient largement le seuil des 4000€/t pour s’approcher dangereusement de 5000€/t. Les prix des autres plastiques, comme ceux du PC, du PBT, DU PBT et du PMMA affichaient eux aussi des niveaux hors du commun.

Le prix du POM tournaient autour de 3300€/t, ceux du PBT approchaient 4200€/t et ceux du PMMA 4300€/t. Seul le prix du PC s’inscrivait en-dessous de 4000€/t, culminant à près de 3950€/t.

Les producteurs de polymères techniques ont, pour la plupart, appelé des hausses de prix à trois chiffres en avril, et ce malgré la faiblesse de la demande. Ce comportement n’a pas dérogé à la règle des mois précédents, mais les montants demandés cette fois-ci étaient bien plus élevés que précédemment.

Derrière ces hausses se cachent en fait l’incertitude générée par la situation géopolitique européenne et les augmentations des coûts des matières premières, de l’énergie et des transports qui en ont découlé.

Cette fois encore, les montants demandaient variaient fortement d’un producteur à l’autre et en fonction des matériaux. C’est les POM qui ont connu la plus grande disparité en termes d’annonces, avec des rollovers concédés en fin de mois par certains fournisseurs, alors que d’autres cherchaient à imposer des hausses à quatre chiffres.

En bref, les prix se sont avérés extrêmement volatils et ont pu varier d’une semaine à l’autre. On a en général constaté une hausse de 400 €/t pour les PMMA sur le mois, de 300€/t pour les PBT et les PA.

Les prix de ces plastiques devraient rester élevés en mai, pour les mêmes raisons qu’en avril : énergie, matières premières et logistique. Le montant des hausses devrait néanmoins être réduit, puisque la demande n’est décidément plus au rendez-vous.

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