Aujourd’hui le plastique subit un bashing important et ce n’est pas véritablement justifié. Beaucoup de choses sont faites pour améliorer l’empreinte carbone de cette activité et on peut en être fier.
Quentin Kiener, Dirigeant de 3D Prod
Pouvez-vous nous parler un peu de vous et de votre parcours professionnel ?
J’ai 45 ans, j’ai une formation technique. Après un bac C, j’ai poursuivi mes études dans une école d’ingénieur généraliste, l’ESME Sudria. Ma formation supérieure s’est poursuivie par un master en création d’entreprise dans une école de commerce à HEC. J’ai commencé ma carrière en rejoignant un cabinet de conseil il y a 20 ans. C’était à l‘époque un domaine qui attirait beaucoup les jeunes actifs car cela permettait d’accéder au monde de l’entreprise avec un prisme un peu différent. Nous avions facilement accès aux dirigeants et pouvions travailler avec ces derniers sur des problématiques aussi bien stratégiques qu’opérationnelles. En tant que junior, j’ai commencé à travailler sur des projets concrets autour de la gestion de la relation clients. J’intervenais sur de l’analyse fonctionnelle et de la mise en place de systèmes d’informations. Cette période correspondait aux débuts du CRM, nos clients passaient des dossiers papiers aux dossiers informatisés. Cela ouvrait de nouvelles perspectives pour ajuster sa communication et sa démarche commerciale. Des outils proposant des solutions industrielles faisaient leur apparition. Pendant 5 ans j’ai travaillé sur ce type de projets dans deux entreprises différentes : Deloitte et AT Kearney.
J’ai très vite eu le désir de créer mon entreprise. Il y avait deux types de projets possibles : reprendre une entreprise ou « créer ma boîte ». J’ai choisi la deuxième option et me suis arrêté en 2002 sur l’impression 3D. A ce moment-là, la technologie existait mais elle n’était pas encore très démocratisée. Il s’agissait d’un marché de niche mais qui avait déjà commencé à se structurer. J’ai décidé de démarrer cette activité en créant 3D Prod sur une application particulière : la réalisation d’éléments (inserts, bloc de refroidissement…) pour les outillages d’injection plastique. A cette époque les moulistes et plasturgistes commençaient à s’y intéresser pour optimiser la configuration et la réalisation de leurs moules. J’ai démarré avec une technologie de fabrication qui permettait de travailler à la fois le plastique et le métal. Nous étions deux au total avec une machine. Bien évidemment une étude de marché et un business plan ont été réalisés. Assez rapidement, j’ai réalisé que le marché était beaucoup plus étroit que je le pensais. Il existait des limites techniques assez importantes (dimensions, tolérances, état de surface, épaisseur de parois) et également une problématique économique : la technologie avait un coût élevé et n’était, dans beaucoup de cas, pas assez compétitive par rapport à l’usinage classique. 6 mois après avoir démarré, j’ai dû basculer complètement sur le plastique.
En ayant changé de positionnement, l’activité s’est développée et nous avons pu dans un second temps étendre notre portefeuille de technologies. Nous disposons aujourd’hui d’une grande capacité de fabrication sur l’ensemble des technologies industrielles d’impression 3D : SLS, SLA, MJF, FDM, Polyjet et coulée sous vide. En 2010 j’ai repris l’entreprise Platex spécialisée dans l’injection plastique dont s’occupait mon père. 3D Prod s’était beaucoup développée et cela avait du sens de s’orienter vers la production série. Les clients qui ont besoin de prototypes ont généralement des besoins de séries et inversement. Aujourd’hui 3D prod emploie 20 personnes et Platex 40.
Qu’est-ce-qui vous a conduit vers la filière plasturgie et composites ?
Mon père intervenait, au travers de Platex, dans le domaine de l’injection plastique. C’est de là qu’est venue l’idée d’utiliser l’impression 3D pour la fabrication de moules. Sa connaissance du marché et du monde de la PME industrielle m’a aidé à identifier les débouchés potentiels. Au-delà du marché, l’activité à la fois technologique et industrielle a fait partie des critères dans le choix de ce projet. L’industrie technologique est un domaine qui m’enthousiasme et dans lequel je me sens à l’aise.
Quelles sont les spécificités de votre métier / activité de votre entreprise qui vous enthousiasment le plus au quotidien ?
Il y a deux choses : La première c’est de réussir à avoir une structure la plus efficiente possible à tous les niveaux. Pour se différencier et être compétitif, il est impératif aujourd’hui d’être performant dans tous les domaines. Le produit que nous vendons c’est 50 % de service et 50 % de production. C’est pour cela qu’il faut être performant au niveau de notre atelier bien sûr mais également commercialement, dans nos achats, dans la gestion de nos finances, dans le recyclage, la consommation électrique. En résumé avoir une entreprise efficiente à tous les niveaux. La deuxième c’est de progresser et de sans cesse se remettre en question. Etre capable par exemple de se positionner sur des réalisations que l’on ne pouvait pas forcément prendre en charge auparavant. La coulée sous vide pour la réalisation de petites séries de pièces en est un bel exemple : nous n’avions aucune expertise dans ce domaine assez technique il y a deux ans. Nous nous sommes équipés du matériel nécessaire à ce type de fabrications, nous avons commencé par prendre des projets simples et sommes ensuite montés en compétence à notre rythme. Cela nous permet d’avoir aujourd’hui un atelier de coulée sous vide avec une forte expertise générant 10 % de notre CA. Cette démarche, qui doit pouvoir être menée à différents niveaux dans l’entreprise, est primordiale car elle permet de s’adapter aux évolutions du marché et elle participe également à maintenir une saine émulation au sein des équipes. L’évolution des marchés est aujourd’hui fréquente et rapide : les comportements d’achats n’ont plus rien à voir avec ce que nous avons connu lors de notre démarrage en 2005, la concurrence est plus forte, la volatilité plus grande, et l’industrialisation des processus de fabrication se développe. Nous avons besoin de nous adapter sans cesse si nous souhaitons rester compétitifs.
Quel est votre prochain objectif professionnel et votre ambition pour la filière ?
Je souhaite continuer à développer Platex et 3D Prod mais également le groupe au travers de croissances externes. Nous avons aujourd’hui, 2 entreprises expertes dans leurs domaines respectifs, bien structurées et générant de la croissance organique. Pour accélérer notre développement, il faut passer par la croissance externe. Ce qui me passionne dans l’étude de ces projets ce n’est pas nécessairement la filière en tant que telle, mais le potentiel de développement et la complémentarité par rapport à Platex et 3D Prod.
Fier d’être plasturgiste, qu’est-ce-que cela évoque pour vous ?
Aujourd’hui le plastique subit un bashing important et ce n’est pas véritablement justifié. Beaucoup de choses sont faites pour améliorer l’empreinte carbone de cette activité et on peut en être fier. En ce qui nous concerne, nous avons beaucoup travaillé sur le recyclage et la réduction des consommations électriques. Nous avons mené depuis 3 ans un projet important dans ce domaine. Concernant le recyclage nous avons optimisé le recyclage de nos rebuts et initié le recyclage interne de certains de nos consommables (huiles, solvants…). Nous recyclons aujourd’hui en interne 90 % de ce que nous produisons comme déchets et rebuts. Nous avons également travaillé sur notre consommation électrique. Le premier chantier à concerné l’isolation des bâtiments, des moules, et des unités de chauffe pour limiter la perte énergétique. Le deuxième chantier a lui consisté à recycler les calories produites par la génération d’eau froide et d’air comprimé. Toutes ces démarches nous ont permis de faire baisser notre consommation électrique de 20 % et de réduire de moitié les déchets évacués par l’entreprise. Au final, je trouve que c’est une belle performance ! L’avenir est aussi là pour la filière. Plus généralement, comme je l’ai évoqué, pour que nos entreprises soient en bonne santé, il faut que nous soyons efficients dans tous les domaines et l’efficacité énergétique fait clairement partie de cet ensemble