Dans le débat public, des voix s’élèvent pour bannir purement et simplement les matières plastiques. Pensez-vous que la substitution pure et simple par d’autres matériaux (verre, carton, etc.) notamment pour les applications emballage serait forcément vertueuse d’un point de vue environnemental ?
Les propriétés des plastiques en termes de conservation, de légèreté, de résistance en ont fait un matériau très largement utilisé pour de multiples usages. La question n’est pas de substituer systématiquement et pour tous les usages le matériau plastique par un autre matériau comme le verre et le carton qui ont aussi des impacts, mais plutôt de repenser les usages et d’éviter les transferts d’impacts environnementaux ! La priorité est donc de réduire les usages inutiles, de réduire le jetable, d’allonger la durée de vie des produits… et d’adopter une meilleure gestion de la matière en optimisant les process pour réaliser des économies de matière, en recyclant et en incorporant les matières recyclées dans la production de plastiques. C’est aussi le sens de l’engagement pris dans le cadre du « Pacte National sur les emballages plastiques », signé par Brune Poirson, des ONG et des entreprises, visant à réduire les emballages plastiques à leur strict nécessaire, développer l’écoconception et sensibiliser le grand public sur les enjeux de la pollution plastique.
Quelles sont selon vous les actions prioritaires à mettre en œuvre pour favoriser le développement de l’économie circulaire dans la filière plasturgie et composites ?
Il y a d’abord une réflexion à avoir très en amont, dès la conception d’un produit : quelle matière utiliser, quelle quantité, le choix du matériau favorisera-t-il l’incorporation de matières premières issues du recyclage et en même temps permettra-t-il un recyclage en fin de vie du produit ? Le deuxième axe concerne une meilleure collecte des plastiques : cela passe notamment par une meilleure information du détenteur, qu'il soit industriel ou particulier. Les outils existent aujourd'hui, que ce soit au travers du dispositif des filières REP existantes (extension des consignes de tri à l’ensemble des emballages ménagers) ou à venir ou au travers de la mise en place du décret 5 flux pour les entreprises. Ils doivent permettre une mobilisation massive des flux de déchets plastiques et donc par là même, de permettre le développement d'une industrie du recyclage performante. Faisant suite à la Feuille de Route Economie Circulaire, l’ADEME et Citéo ont lancé un grand dispositif d’appel à projet pour tester grandeur nature et évaluer des solutions de collectes innovantes, dont l’objectif est d’optimiser les collectes séparatives d’emballages ménagers. Le dernier axe passe par la recherche et développement afin de permettre de mettre sur le marché à la fois des résines favorisant un meilleur recyclage, mais aussi de permettre un recyclage plus performant et de plus haute qualité des plastiques en fin de vie : je pense notamment aux plastiques composites ou multicouches pour lesquels par exemple le recyclage chimique aurait toute sa place. Mais là aussi, il faut aujourd'hui une implication plus forte de l'ensemble de la chaîne de valeur du recyclage et notamment des fabricants de matière plastique puisque ce sont eux qui ont la meilleure connaissance de la chimie de ce matériau. L’enjeu réside aussi dans l’écoconception des produits, tels que les emballages, dont les metteurs sur le marché doivent intégrer la gestion de la fin de vie notamment en privilégiant l’utilisation de mono-matériaux recyclables. Les industriels s’engagent activement et prennent leur part de responsabilité pour limiter et prévenir la présence de déchets plastiques dans la nature et surtout pour réutiliser et revaloriser les matières plastiques.
Cette transformation nécessite un accompagnement des pouvoirs publics. Comment l’Ademe peut-elle les aider dans cette transformation ?
Sous l'influence des consommateurs et des ONG, les industriels prennent de plus en plus en compte les enjeux de la fin de vie des déchets plastiques et notamment des impacts qu'ils peuvent avoir sur l'environnement en cas d’abandon dans la nature. Il semble important que les efforts soient coordonnés et avec une stratégie de moyens/long terme s'appuyant sur les dispositifs existants pour, à la fois, faciliter la compréhension du dispositif et rechercher les optimum technico-économiques. L’ADEME, de par son positionnement à la fois national et territorial apporte son conseil et son expertise à l'ensemble des parties prenantes de la filière qu'il s'agisse des metteurs sur le marché, des opérateurs de tri et de collecte, des collectivités territoriales, des associations de consommateurs ou de protection de l'environnement, sans oublier les pouvoirs publics, le tout dans une logique multicritère et multi impact. A titre d'exemple, dans le cas des emballages ménagers, elle contribue fortement aux travaux autour de l'extension et de l'harmonisation des consignes de tri, afin à la fois de faciliter le geste de tri des habitants et collecter un maximum d'emballage, notamment plastique, à recycler.
Qu’attendez-vous du projet de loi économie circulaire qui sera présenté dans quelques semaines/mois ?
L’exercice d’élaboration de la feuille de route économie circulaire en impliquant l’ensemble des acteurs, a permis d’aboutir à des objectifs ambitieux assortis de nombreuses actions visant l’efficacité. Nous attendons du projet de loi qu’il reflète cette volonté partagée d’engager notre pays dans le changement de modèle. Mais une loi à elle seule ne peut pas tout : elle apportera le cadre et l’ambition en faveur de cette dynamique. C’est ensuite à l’ensemble des acteurs : citoyens, monde économique et collectivités, de s’en emparer pour véritablement modifier leurs choix de production, de consommation, de valorisation et de gestion. C’est cet ensemble qui garantira la réussite de notre transition vers l’économie circulaire.