« Made in France » : le mauvais exemple des masques, des blouses et des respirateurs

6 juillet 2023
Le refoulement de l’activité industrielle ayant montré ses limites lorsqu’ont fait défaut, en 2020, des équipements aussi simples que des masques, mais aussi des produits plus sophistiqués, le Gouvernement a mis en place des actions en faveur d’une production française solide, compétitive et décarbonée, ce dont nous nous réjouissons. Toutefois, cette belle dynamique se trouve parfois contrariée, selon les intérêts du moment, par les services publics. En tant qu'acteur majeur de l'industrie française du plastique et des composites, Polyvia fortement mobilisée sur ce sujet, déplore l’incohérence des services de l’Etat quand la commande publique contredit les orientations fixées par le chef de l’Etat et le Gouvernement.

Relocalisation industrielle en France : un enjeu clé pour la dynamisation des territoires

Depuis 2017, le Gouvernement a mis en place des actions en faveur d’une production française solide, compétitive et décarbonée. Ces initiatives ont connu une accélération dès 2020 avec le plan « France Relance » dont un tiers du budget a été alloué à la relocalisation.

Cette dynamique amorcée par la crise s’inscrit désormais sur la durée avec « France 2030 », ainsi que par la « Grande Exposition du Fabriqué en France » qui s’est tenue à l’Elysée pour la troisième année consécutive les 1ers et 2 juillet 2023.

Initiée par Emmanuel Macron, cette exposition met à l’honneur les entreprises qui s’engagent pleinement dans la fabrication française, ce dont nous nous réjouissons. Toutefois, cette belle dynamique se trouve parfois contrariée, selon les intérêts du moment, par les services publics. La pénurie de masques, de blouses, de respirateurs mais aussi de médicaments pendant la crise du Covid-19 a mis en évidence la dépendance de notre pays pour certains approvisionnements stratégiques, relançant le débat sur le « made in France » et la souveraineté.

En réaction, le Président de la République et le Gouvernement ont fait de la relocalisation de certaines productions et de la relance industrielle des priorités, afin de reconquérir notre indépendance, ainsi qu’une marge de manœuvre dans la gestion des grands risques. Face à ces envies de relocalisation soudaines, les plus hautes instances de l’Etat ont affirmé qu’il fallait réfléchir à notre organisation industrielle et publique en termes d’indépendance nationale et de gestion des grands risques. Le Gouvernement annonçait ainsi vouloir rendre la France autonome en approvisionnement de masques chirurgicaux et de blouses. Des entrepreneurs et industriels de la Plasturgie se sont donc engagés dans cette voie sur tous les territoires, répondant à la demande par le redéploiement des moyens de production et en créant de nombreux emplois.

Or aujourd’hui, force est de constater que les administrations, institutions et entreprises publiques se fournissent encore trop par l'importation, au détriment de la production française, mettant en question la pérennité de ces activités. Aussi, face à cette menace, les fabricants attendent des actes concrets.

Dans un courrier en date du 5 décembre 2022 adressé au Président de la République, Polyvia exprimait ses plus vives préoccupations et soulignait la réelle désillusion sur le terrain, plus particulièrement parmi les entreprises qui avaient répondu à l’appel du gouvernement visant à réindustrialiser le secteur critique de la santé. Polyvia lui demandait si le Gouvernement entendait permettre à son industrie de s'inscrire dans la durée par l'établissement de mesures de protection et l’utilisation de la commande publique. A défaut, cette volonté de définir une politique industrielle claire, identifiant les secteurs stratégiques où il faut investir, restera lettre morte.

Monde d'après Covid : l'illusion des relocalisations productivistes

Le cas de l’entreprise Iris Ohyama France, filiale du groupe Japonais Iris Ohyama implantée en France depuis 2019, est à cet égard particulièrement symptomatique : elle s’est organisée en 2020 pour localiser en France la fabrication de masques chirurgicaux, fabriqués jusqu’ici en Asie. Cette décision s’inscrivait dans une démarche qui consistait à « Produire plus sur le sol national pour réduire notre dépendance et donc nous équiper dans la durée », répondant ainsi à la volonté exprimée par le Président de la République dans sa déclaration à Saint-Barthélemy-d'Anjou, le 31 mars 2020.

Les moyens consacrés par Iris Ohyama France pour mettre en œuvre ce projet de réindustrialisation de la fabrication de masque en France ont été conséquents : 7,13 millions d’euros, l’entreprise ayant bénéficié pour ce projet d’une subvention de la région Ile de France à hauteur de 800 000 euros. Au plus fort de la pandémie, Iris Ohyama France a été en mesure de fabriquer près de 25 millions de masques par mois, permettant ainsi de fournir des masques chirurgicaux de qualité au grand public et aux professionnels, en s’appuyant sur ses canaux de distribution habituels (grande distribution, e-commerce et distributeurs spécialisés).

Cette activité, qui a employé jusqu’à 150 personnes en 2021, est aujourd’hui à l’arrêt depuis juillet 2022, faute de clients. Malgré des contacts avec les acheteurs de l’UGAP qui a visité le site en avril 2022, aucune commande publique n’a pu être obtenue depuis le retour sur le marché français des masques « Made in China » dont le prix fait malheureusement la différence, au détriment parfois de la qualité et de l’empreinte carbone. Au-delà de ce cas particulier, qui en appelle sans doute d'autres, Polyvia déplore une nouvelle fois l’incohérence des services de l’Etat quand la commande publique contredit les orientations fixées par le chef de l’Etat et le Gouvernement. Car sans un sursaut résolu, les bonnes intentions affichées ne changeront rien à la réalité de notre dépendance sur les matériels stratégiques.