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23 mars 2023 - 11H Webinaire en ligne
Toujours selon McKinsey, 35% de l’énergie consommée chaque année par l’industrie mondiale sont en fait des matières premières, comme les dérivés du pétrole à partir desquels l’on produit des polymères. Ces substances ne sont donc pas utilisées pour leur potentiel énergétique mais pour fabriquer d’autres matériaux. Enfin, les 45% restants représentent la consommation de carburants, notamment dans le but de générer de la chaleur pour le séchage, la fonte ou encore le cracking. C’est sur cette part en particulier que reposent la majorité des enjeux de l’électrification de l’industrie.
Le bouquet énergétique de la consommation industrielle de carburants est varié. 32% des carburants consommés sont du charbon, 31% des gaz naturels et 15% sont du pétrole. Remplacer une partie de ces derniers par de l’électricité aurait donc de nombreux bénéfices. Si les équipements industriels électriques ne sont parfois qu’un peu moins énergivores que leurs équivalents conventionnels, ils affichent souvent des coûts de maintenance moins importants et, dans le cas particulier des chaudières industrielles par exemple, sont moins chers à l’achat. On peut également profiter d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre si le site industriel qui les utilise est de surcroît alimenté par de l’électricité « verte ».
Au regard des technologies actuelles, McKinsey estime que près de 50% des carburants utilisés par l’industrie mondiale « La tendance à l’électrification de l’industrie n’est en fait que le reflet du concept de transition énergétique adopté en Union européenne et ailleurs dans le monde. » pourraient être remplacés par de l’électricité. Ce chiffre inclut notamment la totalité de l’énergie produite pour générer la chaleur nécessaire aux procédés industriels, et ce jusqu’à 1000° Celsius. Les procédés requérant une température supérieure à ce seuil n’auraient quant à eux pas besoin de changer fondamentalement le système de production, mais nécessiteraient de remplacer certains équipements spécifiques, comme les chaudières ou les fours.
La plupart des équipements utilisant une température inférieure ou égale à 400° Celsius sont d’ores et déjà disponibles en version électrique sur le marché. C’est par exemple le cas des pompes à chaleur ou des chaudières électriques. Les fourneaux industriels électriques pouvant atteindre jusqu’à 1000°C sont désormais une réalité technologique, mais ne sont pas encore commercialisés pour tous types d’applications. BASF a par exemple investi dans des fourneaux pouvant chauffer jusqu’à 850°C pour l’un de ses sites de cracking, mais ces derniers ne seront pas actifs pendant encore quelques années.
Certaines filières industrielles spécifiques, parmi lesquelles la production d’acier, de ciment ou de céramique, utilisent des procédés nécessitant d’atteindre des températures extrêmement élevées. Elles représentent d’ailleurs 30% de la consommation de carburants de l’industrie mondiale. Des développements sont en cours pour permettre l’électrification de ces procédés, mais ces nouvelles technologies sont encore loin d’avoir atteint leur phase de maturité. Enfin, 20% des carburants utilisés par l’industrie ne le sont pas dans le cadre des procédés de transformation, mais dans d’autres applications comme la logistique in-situ, la réfrigération ou encore le chauffage ou la climatisation des bureaux.
Dans le cas des équipements industriels les plus communs dont le fonctionnement nécessite l’utilisation de carburants, comme les chaudières ou les fours, le coût énergétique de leur exploitation tout au long de leur durée de vie peut être dix fois supérieur à leur coût d’achat. Si l’on part du principe qu’un équipement électrique s’achète à peu près au même prix qu’un modèle conventionnel, une entreprise sera plus encline à acquérir le premier si les coûts de l’électricité sont plus bas que ceux des carburants, et surtout s’ils risquent de le rester. Le fait est que l’électricité est, dans bien des régions du monde, encore plus coûteuse par joule que les carburants conventionnels. En effet, une part importante de l’électricité mondiale est produite à l’aide de ces mêmes carburants, nommément le charbon et le gaz. Si la perspective de réaliser d’importantes économies dans le temps facilite l’électrification des secteurs du bâtiment et des transports, ce n’est pas encore le cas dans le domaine de la production industrielle. Au-delà de la baisse du coût moyen de l’électricité, idéalement provoquée par l’essor de technologies productrices renouvelables et efficientes, une autre piste pour encourager l’électrification des équipements industriels est celle d’une « taxe » sur les émissions de CO2. Cette dernière permettrait de faire augmenter le coût du carburant en comparaison à celui de l’électricité, dans la mesure où celle-ci n’est pas produite à l’aide de ressources fossiles. Utiliser de l’énergie renouvelable pourrait également permettre aux industriels de reporter une partie des coûts supplémentaires sur ses clients ou les consommateurs finaux qui seraient près à payer plus pour un produit plus écologique. A cela s’ajoutent enfin les perspectives de subventions de la part des gouvernements dans le cadre de la directive UE (2018/2001) sur la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « RED II ».
La tendance à l’électrification de l’industrie n’est en fait que le reflet du concept de transition énergétique adopté en Union européenne et ailleurs dans le monde. Si le phénomène prend de l’ampleur et fait de plus en plus couler d’encre, il convient cependant de souligner que ces investissements relèvent, pour la plupart, du moyen-terme ou du long-terme, et nécessitent à ce titre une réflexion approfondie de la part des entreprises. L’enquête menée par le cabinet d’études Deloitte auprès d’industriels nord-américains en 2020 révèle que 70% d’entre eux comptent engager leurs entreprises dans l’électrification des procédés. 50% des répondants visent également l’électrification du chauffage des locaux et de l’eau, ainsi que de leurs flottes, et ce d’ici à 2030.
Pourquoi de tels efforts quand l’Amérique de Donald Trump n’était pas connue pour ses ambitions environnementales ? Une autre tendance s’est en effet dessinée dans cette enquête : les investisseurs, certains leaders politiques et évidemment les consommateurs se font de plus en plus nombreux à réclamer des avancées de cet ordre de la part de l’industrie. C’est également le cas en Europe. De quoi encourager les industriels à se fixer des objectifs énergétiques plus convaincants dans le cadre de leurs politiques RSE. L’étude de Deloitte révèle ainsi que les sociétés industrielles nord-américaines visent désormais 45% d’électrification générale (procédés, flottes, chauffage…) en moyenne d’ici à 2035, alors qu’elles seraient actuellement électrifiées à hauteur de 35%. Par quels moyens comptent-elles atteindre cet objectif ? Il en ressort que se lancer seuls dans cette entreprise ne convainc pas forcément les dirigeants qui ont répondu à l’enquête. 64% d’entre eux espèrent pouvoir nouer des partenariats ou former des coentreprises pour y parvenir, tandis que 61% comptent externaliser une partie de leurs stratégies auprès de leurs fournisseurs