Hydrogène : énergie du futur à plus d’un titre
L’Agence internationale de l’énergie (IEA) publiait en 2019 un rapport sur le marché mondial de l’hydrogène à la demande du gouvernement japonais, alors à la présidence du G20. Il en est ressorti que l’hydrogène « propre » bénéficiait d’un engouement politique et économique sans précédent.
L’année 2019 a effectivement marqué un tournant à la filière, avec le lacement de nombreuses politiques et stratégies gouvernementales favorables à son essor. Les projets industriels se sont également rapidement multipliés. Il s’agissait désormais de permettre à ces technologies de monter en puissance à travers le globe.
L’hydrogène s’est depuis fait une place de choix dans les stratégies de mobilités vertes et de transition énergétique de nombreux Etats. Léger, stockable, énergétiquement dense et ne produisant aucune émission directe de gaz à effet de serre, l’hydrogène doit également s’imposer dans des secteurs où il est encore peu, voire pas du tout utilisé, comme les transports, le bâtiment ou encore la production d’énergie.
Selon l’IEA, la demande mondiale d’hydrogène a triplé depuis 1975 et continue à croître. 92% des besoins mondiaux sont cependant produits à partir de ressources fossiles, notamment du charbon. La filière rejette ainsi 830 millions de tonnes de CO2 par an, c’est pourquoi l’accent est mis sur les technologies vertes pour permettre à cette industrie de prendre son envol.
Produire de l’hydrogène à partir de solutions peu carbonées est cependant coûteux. L’IEA estime cependant que les coûts de production de ces technologies pourraient chuter de près de 30% d’ici à 2030 grâce à l’accélération du développement des piles à combustible, des équipements de recharges et des électrolyseurs, et à la transition vers la production de masse de ces derniers.
La progression de la production d’hydrogène vert à l’échelle mondiale se heurte cependant à deux facteurs. La construction d’infrastructure adaptée est, d’une part, particulièrement lente. Les prix du gaz pour les consommateurs ne pourront baisser que si les stations de recharges sont nombreuses et si elles sont régulièrement utilisées. Transformer cette menace en opportunité requiert un effort de planification et de coordination des Etats avec les autorités locales, les industriels et, le cas échéant, les investisseurs privés.
La filière de l’hydrogène vert est d’autre part confrontée à la rigidité du cadre réglementaire, qui dans certains pays constitue une véritable barrière à l’investissement. Les flux commerciaux et le développement des technologiques ont tout à gagner à l’établissement de normes internationales, en particulier dans le domaine du transport et du stockage de grands volumes de gaz.
L’Agence EY réalisait en 2020 une étude pour le compte de l’ADEME. Celle-ci, publiée en octobre dernier et intitulée « Hydrogène : analyse des potentiels industriels et économiques en France », dresse un portrait engageant pour la filière.
Il faut dire que ces prévisions se basent sur les annonces gouvernementales de septembre 2020, où 7 milliards d’euros étaient promis pour le développement de la filière hydrogène française. Il est également prévu de permettre le développement d’une filière de production d’électrolyseur et d’augmenter de 6,5 GW les capacités nationales de production d’hydrogène par électrolyse.
Selon l’étude de l’ADEME, l’essor de la filière française de l’hydrogène décarboné permettrait la création de 50 000 à 100 000 emplois à l’horizon 2030.
Les territoires se sont aussi emparés de ces enjeux. C’est par exemple le cas de la Région Auvergne Rhône-Alpes avec son projet Zero Emission Valley, qui vise à étiger l’un des premiers écosystèmes européens de mobilité hydrogène. Les industriels Michelin et Engin prennent notamment part à ce dernier.
Il en ressort toutefois que la filière française doit impérativement se structurer pour surfer sur la vague. Un soutien financier national est également nécessaire à son essor. Les perspectives sont cependant enthousiasmantes, puisque la hausse de la production d’hydrogène décarboné pourrait à terme permettre la progression de la demande, sur fonds d’enjeux climatiques.
Les filières ferroviaire, automotive, métallurgie et chimie pourraient toutes bénéficier par ruissellement de la croissance de celle de l’hydrogène vert. Pour la France, cela peut également être un outil de lutte contre la délocalisation. Notre pays n’est cependant pas le seul acteur à peser sur la scène internationale, et notre filière affronte déjà un environnement très compétitif.
Plusieurs industriels clés, situés tout au long de la chaîne de valeur de la filière, sont français. On pensera notamment au CEA de Grenoble et au CNRS pour la recherche, et à Air Liquide, leader mondial du gaz industriel.
La France peut également compter sur de gros gaziers, comme Total et Engie, et des énergéticiens comme EDF. En aval de la filière, les constructeurs automobiles (Renault, Peugeot), aéronautiques (Airbus) et ferroviaires (Alstom) contribuent à développer ces technologies avec l’aide des équipementiers (Michelin, Faurecia, Plastic Omnium), dont certains sont des plasturgistes. A cela s’ajoute un tissu de startups qui viennent enfin booster l’innovation de la filière, dont Symbio.
La filière a également entamé sa structuration, avec la création d’une filiale dédiée par EDF, baptisée Hynamics, en 2019, qui doit à terme produire et commercialiser de l’hydrogène vert. Les équipementiers avancent également, avec par exemple la création d’une coentreprise entre Michelin et Faurecia pour accélérer dans les piles à combustible.
D’après l’étude, certains secteurs d’applications ont déjà un fort potentiel de croissance pour la filière française. C’est le cas des matériaux et pièces stratégiques pour les applications généralistes, dont les piles à combustibles et les réservoirs, ainsi que pour la fabrication et l’exploitation des systèmes de production et enfin la production et l’exploitation d’équipements spécialisés pour le transport et la distribution du gaz.
A moyen-terme, l’ADEME estime que la production de véhicules ou de systèmes électriques basés sur des piles à combustibles (camions, avions, groupes électrogènes…) pourrait être prometteuses. La fabrication d’équipements pour des applications industrielles pourrait également l’être.
L’hydrogène en Europe
Selon la société Nel Hydrogen, le spécialiste norvégien de la production d’hydrogène à l’aide de l’électrolyse à l’eau, cette technologie est en train d’accaparer d’importantes parts de marché, en tout cas dans le secteur de la chimie. La demande de cette filière, en particulier pour des applications de production d’ammoniaque et de méthanol, de raffinerie du pétrole ou encore de production d’acier en aval, serait en effet à la hausse.
L’augmentation sensible de la demande européenne et mondiale d’hydrogène vert n’est pas innocente. La plupart de ses débouchés industriels identifient cette ressource comme une énergie verte à bas coût, avec de surcroît une empreinte carbone quasi-nulle. Elle constitue donc une alternative viable à l’hydrogène issu des ressources fossiles pour de nombreux donneurs d’ordre.
Bruxelles dévoilait début juillet son plan de développement de la filière hydrogène bas carbone en Union européenne. Selon Frans Timmermans, le vice-président de la Commission, il y a urgence pour l’Union d’accélérer. Selon lui, l'Europe est le leader mondial des technologies de production, de stockage et de transport de l'hydrogène bas carbone. Il lui faut cependant accélérer pour conserver la première place du podium.
Cette production d’hydrogène vert devra notamment alimenter les filières industrielles de l’acier et des batteries, mais également les secteurs des transports aériens, maritimes et routiers.
Il s’agit pour l’UE d’un investissement prioritaire pour la relance économique après les dégâts causés par la crise sanitaire. Ce plan, véritable maillon de la transition énergétique, a été décliné en plusieurs phases par l’Union européenne :
- « De 2020 à 2024, nous soutiendrons l'installation d'une capacité d'au moins 6 gigawatts d'électrolyseurs pour la production d'hydrogène renouvelable dans l'UE, avec l'objectif de produire jusqu'à un million de tonnes d'hydrogène renouvelable ;
- De 2025 à 2030, l'hydrogène devra faire partie intégrante de notre système énergétique intégré, avec une capacité d'au moins 40 gigawatts d'électrolyseurs pour la production d'hydrogène renouvelable et une production allant jusqu'à dix millions de tonnes d'hydrogène renouvelable dans l'UE ;
- De 2030 à 2050, les technologies utilisant l'hydrogène renouvelable devraient atteindre leur maturité et être déployées à grande échelle dans tous les secteurs difficiles à décarboner ».
A également été lancée dans la foulée l’alliance européenne pour un hydrogène propre.