Matériels de sport : une filière à terre ?

8 mars 2021
Perspectives du marché français du sport
Salles de sport et stations de ski fermées, randonneurs et cyclistes confinés une partie de l’année, terrains de foot, de rugby, de basket, de tennis, etc… parfois désertés. La filière des équipements et des matériels sportifs a traversé une bien mauvaise année en 2020, et il semblerait que la suivante ne s’annonce pas sous les meilleurs hospices. Si certains segments sont dans le rouge, d’autres ont pourtant tiré leur épingle du jeu.

D’après l’enquête sur l’impact de la crise sanitaire sur la filière plasturgie composites française menée par Polyvia auprès de ses adhérents au cours du mois d’octobre 2020, 35% des plasturgistes fabriquant des articles de sport estimaient que l’activité de ce marché allait baisser au cours des mois suivants. 33% pensaient au contraire que leur activité allait augmenter, et le reste qu’elle allait stagner.

Une situation sans précédent pour les salles et clubs de sport

16.5 millions de français seraient licenciés en club selon La Tribune. Les règles sanitaires adoptées dans le cadre de la lutte contre la propagation du nouveau coronavirus ont entraîné la fermeture des salles de sport et de nombreux clubs. Ces derniers auraient accusé une perte supérieure à 20% de leur CA annuel en 2020. Ces mauvais résultats impactent donc indirectement leurs fournisseurs.

Le deuxième confinement, qui a eu lieu à l’automne 2020, et le maintien de la fermeture de la plupart des lieux de vie sportive depuis, a entraîné la chute des adhésions. En effet, la plupart des clubs et salles enregistrent traditionnellement une augmentation sensible du nombre d’abonnements à la rentrée. En France, ce sont 23 000 structures qui restent fermées, dont 70% sont des clubs selon les chiffres de la CNPE datant de 2018. Cette filière génèrerait en moyenne 13 milliards d’euros de CA par an.

Le secteur au sens large représente également 160 000 emplois directs et 450 000 emplois indirects, dont les fabricants de matériel sportif dont les plasturgistes font partie. Tout cela pour un CA total de 80 milliards d’euros en 2017 selon CoSMoS.

Alors, quel avenir pour ces structures ? Celles-ci manquent à leurs licenciés ou abonnés. C’est en tout cas ce qu’indique un sondage Ipsos, puisque 62% des répondants à l’enquête estiment que la reprise des activités sportives est indispensable.

Les gérants des salles de sport, qu’il s’agisse de clubs de fitness, d’escalade, de yoga ou de foot en salle, sont d’accord. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs annoncé leur intention de déposer des référés contre les arrêtés de fermeture le 15 février dernier.

Selon Roland Krzentowski, un médecin du sport interrogé en février par Europe 1, la réouverture des salles devrait se faire dans l’affluence. Il estime notamment que la crise sanitaire et ses confinements et couvre-feux successifs ont redonné le goût aux français de bouger.

Salomon et Décathlon sont deux marques qui ont, ou vont, lancer un masque barrière certifié pensé spécialement pour l’utilisation en salle par des sportifs. L’Afnor a d’ailleurs récemment publié un référentiel (AFNOR SPEC S70-001) pour la fabrication de masques dédiés aux activités sportives. Autant de signaux positifs pour ces dernières, mais reste encore à savoir si le retour des abonnés suffira à réparer les dégâts causés par la pandémie.

Les fédérations sportives exsangues

La fermeture des salles et des clubs prive de nombreuses fédérations sportives de revenus. Celles du judo et de la pétanque auraient même perdu jusqu’à 60% de leurs adhérents.

Si les formules de cours en visioconférence fonctionnent a priori assez bien avec les plus jeunes des licenciés, les adultes décrochent beaucoup plus facilement. La Fédération française du judo déplore ainsi la perte de 180 000 licenciés en 2021 par rapport à 2020. Celle du basketball a perdu 11% de ses licenciés par rapport à 2019. Les pertes sont similaires pour la Fédération de boxe. Celle du cyclisme déplore enfin une chute de 7% des demandes de licences, et celle de la voile 15% de licenciés en moins.

Les fédérations de football (-0.2%), de tennis (-1%), d’équitation (-3%) et de rugby (+4.73%) n’y auraient quant à elles pas trop laissé de plumes. La fédération des handisports est toutefois inquiète : elle a en effet perdu près de 15% de ses licenciés.

La licence de la Fédération de la pétanque est quant à elle surtout utilisée pour participer aux tournois. Ces derniers étant systématiquement annulés, les amateurs de cette discipline ne perçoivent pas l’intérêt de maintenir leur adhésion. 75% du budget de la Fédération serait cependant alimenté par les licences, selon LCI.

Selon une enquête menée par le Comité national olympique et sportif français, les 72 fédérations sportives françaises accuseraient une perte au global de 1.6 millions de licenciés d’une année à l’autre. Cela signifie que 27.7% des licences n’ont pas été renouvelées en moyenne. 

Pour les 44 000 clubs ayant répondu à l’enquête, la perte se chiffre à 376 millions d’euros. Seulement un quart d’entre eux attestent ne pas avoir perdu de membres. Le reste aurait en revanche perdu 28% de ses membres en moyenne.

Sur ces 376 millions d’euros de pertes, 260 millions sont directement attribuées à la baisse des cotisations.  Le reste provient de l’absence de mécénat, de partenariat, de billetteries et de recettes liées à la tenue de lotos ou de buvettes.

L’essor du sport à domicile

Si les sportifs ne peuvent plus s’entraîner en salle, en club ou en extérieur pendant les heures de couvre-feu, ils sont cependant nombreux à ne pas avoir renoncé à toute activité physique. La pandémie a donc provoqué l’accélération de certains segments et l’augmentation des ventes d’équipements et matériels spécifiques. Leur point commun ? La pratique à domicile.

La tendance est loin d’être française. Le prix des haltères aurait ainsi été multiplié par six sur les sites de e-commerce basés aux Etats-Unis. Certains produits s’arracheraient comme des petits pains de part et d’autre du globe, c’est par exemple le cas des tapis de yoga et des poids de fonte. Or, 95% de ces derniers seraient produits en Chine, selon l’ADN, ce qui aurait provoqué une pénurie.

Les enseignes de distribution d’articles sportifs, comme Décathlon ou Intersport, ont vu leurs ventes de matériels dédiés aux activités de cardio sensiblement augmenter. Les vélos stationnaires, les montres connectées ou encore les chaussures de course sont autant de produits prisés par les sportifs confinés. Ce serait également le cas des bandes de musculation et les tapis pour un renforcement musculaire en douceur.

D’après une enquête menée par FoxIntelligence pour le compte de LSA en mars 2020, les ventes en ligne d’articles de sport auraient augmenté de près de 54% en France à cette période, et de 175% pour les articles de fitness. En tête du podium : les cordes à sauter dont les ventes auraient été multipliées par 8.9. Elles sont suivies des bandes élastiques, dont les ventes ont été multipliées par 8.3 et des tapis, dont les ventes ont été multipliées par 7.7.

Certaines entreprises ont senti le bon filon et ont su saisir l’opportunité offerte par le confinement. C’est par exemple le cas de la startup Powergym, basée à Bourges, qui se spécialise dans la revente d’équipements de musculation pour une utilisation à domicile.

Le site de l’entreprise a ainsi vu ses visites passer de 200 à 3000 par jour pendant le premier confinement. Selon Alex Rush, l’un des deux fondateurs de la startup, le CA attendu pour cette première année d’activité était de 150 000 euros. Powergym a conclu 2020 avec un CA de 1.71 millions d’euros, de quoi accélérer son développement.

C’est également le cas de Décathlon, dont les ventes en ligne ont explosé au premier trimestre et ce alors que ses 325 magasins français étaient fermés. Son site a ainsi pu recevoir plus de 12 000 commandes par jour, contre 5 000 à 6 000 avant le confinement. Cette tendance s’est d’ailleurs maintenue pendant toute la durée du confinement.

Pour l’enseigne, ce sont les haltères, les tapis de sol et de course à pied, les vélos stationnaires et elliptiques qui se sont arrachés. Décathlon a également rapporté une hausse sensible des ventes de matériels pour la pratique en extérieur, notamment le jardin, comme les trampolines et les tables de ping-pong. Ces deux types de produit et les vélos d’appartement représentaient près de 30% des commandes passées en ligne, contre 5% en temps normal.

Dans la même veine, les applications de sport à domicile rencontrent de plus en plus de succès. Une étude menée par le cabinet App Annie, le nombre de téléchargements d’applications consacrées au suivi de la santé et au fitness a augmenté de 40% dans le monde pendant le premier confinement, par rapport aux moyennes hebdomadaires des deux premiers mois de l’année. Ce sont donc 59 millions de téléchargement au cours de la seule semaine du 22 mars 2020, soit 36 milliards de dollars générés.

Au-delà du simple téléchargement, le taux d’utilisation des applications est également en hausse. Il a par exemple progressé de 70% en Italie et de 60% en France et au Japon. Ces trois pays représentent d’ailleurs les plus fortes progressions de l’utilisation de ce type d’applications dans le monde, même si la Chine, les Etats-Unis et la Corée du Sud conservent tout de même les plus grands nombres d’utilisateurs.

Outdoor : plus ou moins d’impact en fonction des segments

L’épidémie de coronavirus en France résiste à l’hiver et le gouvernement a ainsi décidé d’interdire la mise en marche des remontées mécaniques. Cette décision met en jeu l’avenir des stations de ski, qui risquent d’importantes pertes financières et la fermeture de nombreuses boutiques. Est également menacée la survie des équipementiers des stations, qu’il s’agisse de fabricants de skis ou de dameuses.

D’après Boursorama, de nombreuses entreprises qui fabriquent des équipements pour les activités sportives liées à la montagne s’attendent à subir une année 2021 « catastrophique ». Leurs carnets de commandes seraient désespérément vides et ces sociétés ne sont bien souvent pas concernées par les aides que le gouvernement a débloquées pour les stations de ski. Ces dernières ne seraient d’ailleurs, dans certains cas, pas suffisantes pour permettre à leurs bénéficiaires de maintenir la tête hors de l’eau.

Bruno Cercley, le dirigeant du groupe Rossignol, soit le premier fabricant de skis en France, confiait mi-février s’attendre à ne recevoir aucune commande l’année prochaine. La saison 2020-2021 devrait se conclure sur une baisse de 40% de l’activité du groupe, contre une chute pouvant potentiellement atteindre 70% à 90% pour la prochaine.

Cela s’explique par l’immobilisme des stocks. Les skis fabriqués pour la saison actuelle ne se vendent pas, et il est peu probable que la demande ne reparte franchement l’année prochaine. Rossignol pourrait donc décider de ralentir sa production afin de s’adapter au marché. En effet, les loueurs, qui représentent en moyenne 60% des paires de skis vendues chaque année, souffrent également de la crise et n’ont donc pas vraiment intérêt à renouveler leur parc, ni cette année, ni la prochaine. Rossignol a donc décidé de supprimer 92 postes en France, alors que le groupe emploie environ 700 personnes. Le groupe accuse en effet une perte de 40% de son chiffre d’affaires.

Un autre équipementier phare, Salomon, déchante également. Le groupe déplorerait notamment une chute de ses volumes de ventes comprise entre 30% et 35%, et ce uniquement pour la division dédiée aux matériels de ski. Une baisse de l’activité de 50% à 60% est ainsi anticipée pour 2021.

Tous les sports de neige ne souffrent cependant pas de la fermeture des remontées mécaniques et des mesures sanitaires. Les raquettes à neige ont ainsi vu leurs ventes exploser. TSL Outdoor, d’ailleurs adhérent de Polyvia, a ainsi pu profiter d’une augmentation de 150M de ses commandes. Ses ateliers ont augmenté le rythme de production, en passant notamment aux trois-huit, pour pouvoir ainsi produire 3000 paires par jour. Les effectifs ont également été doublés afin de pouvoir répondre aux besoins des clients.

Les semaines précédant les vacances scolaires de février ont notamment été marquées par une pénurie de raquettes à neige dans certaines régions. C’était par exemple le cas en Haute-Savoie, où les magasins spécialisés peinaient à mettre la main sur des stocks disponibles et se retrouvaient régulièrement en rupture depuis le mois de décembre 2020.

Autre filon porteur : celui du ski de randonnée. Le groupe Rossignol, qui a arrêté la plupart de ses ateliers de production de skis, a ainsi continué à faire tourner ceux dédiées à la fabrication de ces produits. La société Félisaz, basée à Thyez en Haute-Savoie, a ainsi pu profiter d’une hausse de 25% de son chiffre d’affaires cette année. Elle fabrique en effet des fixations pour skis de randonnée (marque PLUM), dont les ventes ont fortement progressé cette année.

La tendance est confirmée par Décathlon, qui atteste d’une forte augmentation de ses ventes de skis de randonnée, de chaussures et des équipements accessoires à la pratique, comme les peaux de phoque et les matériels de sécurités. La tendance est également observée tout le long de la chaîne des Alpes, y compris dans d’autres pays.

La marque française Zag, qui se spécialise dans la fabrication de skis de randonnée, témoigne également d’une belle progression de ses ventes. Ses distributeurs se sont d’ailleurs retrouvés plusieurs fois en rupture de stock pour ses produits, et la société espère pouvoir conclure la saison sur un niveau « normal ».

Le vélo à fond les ballons

L’année 2019 s’était caractérisée par une chute du nombre de vélos vendus, mais également par une hausse du prix moyen de ces derniers. Derrière ce phénomène se cachait l’engouement pour les VAE (vélos à assistance électrique), ainsi qu’une augmentation de la demande pour des modèles plus qualitatifs.

2 652 099 vélos ont ainsi été vendus en 2019, pour une valeur de 1,5 milliard d’euros, soit une progression de 12.6% par rapport à l’année précédente. Le segment des VAE a ainsi profité d’un taux de croissance de 12% de ses ventes en volume, avec 388 000 unités vendues. Le prix moyen des cycles vendus a quant à lui augmenté de 10% en moyenne. L’électrique accapare enfin 45% des parts du marché français.

2020 avait plutôt bien commencé, avec une hausse de 20% des ventes qui pourrait être imputée à la grève des transports qui avait marqué le début d’année. La crise sanitaire est depuis passée par là, et, d’après l’Union sport et cycle, les vendeurs et réparateurs de vélo auraient perdu 42% de leur chiffre d’affaire au premier semestre 2020 par rapport à la même période de l’année 2019.

Le déconfinement s’était cependant accompagné d’un sursaut des ventes. L’ouverture de nouvelles pistes cyclables dans les grandes villes, les aides financières du gouvernement et des autorités locales et le besoin de respecter les règles de distanciation sociale ont encouragé les français à acheter à nouveau des vélos. Pour preuve, certains magasins Décathlon se sont rapidement retrouvés à sec au printemps 2020.

Selon LSA, les ventes françaises de vélos ont ainsi augmenté de 117% entre le 12 mai et le 12 juin 2020.  La première semaine post-déconfinement avait quant à elle signé une progression de 134% des ventes de cycles. En mai, Intersport pouvait vendre jusqu’à 4000 vélos par jour, soit 2.5 fois plus qu’en mai 2019.

Pour le cabinet Xerfi, la crise sanitaire a donné un coup de fouet au marché, puisque sa valeur aurait augmenté de 15% en 2020. Il estime également que les ventes françaises devraient progresser de 9% être 2020 et 2023. Ce rebond franc de la demande a toutefois un effet perturbateur : le marché français risque la pénurie non seulement de vélos, mais aussi de pièces détachées.

Plusieurs boutiques parisiennes déploraient ainsi des ruptures de stocks sur les modèles destinés aux enfants de moins de 10 ans en décembre 2020. Pour les vélos pour adultes très demandés, certains revendeurs se seraient vu dire que les prochains approvisionnements n’auraient pas lieu avant l’été, voire l’automne 2021. Les modèles les plus demandés ne seront quant à eux pas approvisionnés avant mars 2022, selon des propos recueillis par L’Union.

Décathlon, dont les vélos sont fabriqués en France, en Italie, mais aussi au Portugal et en Roumanie, a déclaré avoir augmenté ses capacités de production et d’assemblage pour faire face à la demande. Celle-ci est toutefois suffisamment intense pour que la production se fasse à flux-tendus, avec parfois quelques jours d’attente en fonction des modèles.

La demande pour les accessoires et les pièces détachées augmente donc en parallèle. Or, de nombreux produits, comme les casques, sont fabriqués en Asie, et plus précisément en Chine. La pénurie actuelle de containers à l’échelle mondiale, assortie à la hausse vertigineuse des cours internationaux du fret, viennent perturber les approvisionnements français.

Un plan de relance pour l’industrie du sport

Le Plan de relance du gouvernement français consacre officiellement 132 millions d’euros sur deux ans à l’ensemble de la filière. Ces fonds seront distribués par l’Agence nationale du sport. 50 millions d’euros sont réservés aux travaux de transition énergétique et visent en priorité les « territoires carencés ».

Le versant du Plan de relance consacré au sport priorise cinq cibles : la création d’emplois pour les jeunes, l’accompagnement des jeunes défavorisés vers les métiers du sport, les aides à la digitalisation des fédérations sportives, le soutien financier aux fédérations et aux clubs et la transition énergétique évoquée plus haut.

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