Rencontre
18 septembre 2024 - 13H 1 boulevard Edmond Michelet – 69008 Lyon
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Plusieurs causes se cachent derrière la pénurie actuelle, mais la plupart d’entre elles découlent de la pandémie. Les mesures de confinement adoptées en Europe, aux Etats-Unis et en Asie ont entraîné une progression plus forte que prévue pour les puces électroniques. Les ventes d’ordinateurs, de webcams, de téléviseurs, d’électroménager et de consoles de jeu ont augmenté pendant le premier confinement et pendant ceux qui ont suivi. Tous ces équipements incorporent des puces électroniques.
La crise sanitaire a également été source d’incertitudes pour certains grands donneurs d’ordre, notamment ceux du secteur automobile. Les constructeurs, qui avaient réduit leur production de façon drastique entre mars et mai 2020, ont sous-estimé la vitesse à laquelle leurs ventes allaient reprendre. Ils ont donc passé des commandes massives de puces plus tard qu’il ne l’aurait fallu, et ces dernières ont parfois été refusées par les fournisseurs, dont la production avait déjà trouvé preneur plusieurs mois avant.
L’ombre d’une pénurie de puces électroniques planait déjà sur les marchés mondiaux dès le début de l’année 2020. Les fabricants de PC portables s’en inquiétaient déjà au 1er trimestre de l’année dernière. Huawei, anticipant de probables sanctions de la part des Etats-Unis, s’était empressé de constituer des stocks importants au cas où ses fournisseurs principaux, basés en Amérique du Nord, auraient été concernés par ces dernières. Cette stratégie a été rapidement imitée par d’autres sociétés basées en Chine, si bien que les importations de puces électroniques du pays ont atteint 380 millions de dollars en 2020, soit un quart de la valeur de ses importations annuelles. Ces achats massifs n’ont fait que précipiter la crise.
La tempête hivernale Uri qui s’est abattue sur le Golfe du Mexique mi-février constitue un autre facteur aggravant de la crise. Le froid intense, auquel la région n’était pas préparée, a entraîné l’arrêt de plusieurs sites de production de puces électroniques basés en périphérie d’Austin (Texas). Les unités de production locales de Samsumg n’avaient pas encore redémarré mi-mars. Infineon fait également partie des producteurs les plus impactés par cette tempête.
Un autre arrêt notable est celui de Renesas, au Japon. Le site de Naka a en effet été victime d’un incendie à la fin du mois de mars. Le feu a détruit sept lignes de production ainsi qu’une salle blanche. Cet incident n’a fait qu’exacerber les tensions d’approvisionnement du secteur automobile. Ce site produit en effet l’équivalent de 160 millions de dollars de puces électroniques par mois. Sa production annuelle équivaut à 6% de la demande de l’industrie automobile mondiale.
Toutes les puces électroniques ne se valent pas et tous les fournisseurs ne sont pas capables de couvrir tous les besoins. TSMC s’impose comme le leader mondial du secteur, tant en termes de parts de marché pour certaines applications qu’en termes technologiques. La production de ces taiwanais ne suffisent plus à couvrir les besoins mondiaux depuis le début de la crise.
Samsung cherche donc à saisir cette opportunité en améliorant ses technologies de production afin que ses puces électroniques puissent être perçues comme la meilleure alternative à celles de TSMC. Des donneurs d’ordre majeurs, comme Qualcomm et Nvidia, l’auraient depuis référencé. Intel Corp. fait également partie des poids lourds du secteur mais son offre se concentre principalement sur la fabrication de processeurs pour ordinateurs. Le fabricant souffre d’ailleurs d’importants délais de production, ce qui provoque le report de la demande de certains de ses clients vers d’autres acteurs. D’autres entreprises, plus petites, peuplent le marché, comme Globalfoundris, SMIC ou United Microelectronics Corp. Leurs produits sont cependant moins avancés technologiquement que ceux de TSMC ou Samsung, et ne peuvent donc être utilisés par une partie des industriels impactés par la pénurie
Quel impact sur l'aval ?
La pénurie mondiale de puces électroniques impacte de nombreuses industries situées en aval de la chaîne
Parmi elles, l’automobile, pour laquelle le modèle du « juste à temps » est source de bien des maux. Selon AlixPartners, une société de consulting, la crise actuelle devrait provoquer une perte de revenus égale à 60,6 milliards de dollars pour le secteur. Cette prévision tient compte de l’impact sur les constructeurs, les équipementiers, mais aussi les concessionnaires. En effet, en fonction du modèle de véhicule et de ses options, une voiture peut comporter plusieurs centaines de puces. Tous les constructeurs, y compris Tesla, se sont déclarés impactés financièrement par la pénurie. Seul Toyota fait figure d’exception. Le groupe atteste en effet disposer d’un stock suffisant pour couvrir quatre mois de production.
Le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) révélait en mars que la pénurie a commencé à impacter les prises de commandes de véhicules dès la fin du mois de février. Le site de Peugeot à Sochaux, où sont assemblées les 308, a dû arrêter sa production plusieurs fois depuis. C’est également le cas du site de Renault à Flins, qui produit notamment la ZOE électrique. Le site de Toyota à Onnaing a également été touché, bien que l’ampleur des dégâts soit moindre. Des équipementiers majeurs, comme Faurecia et Actia Automotive, sont également en difficulté. Le début des problèmes pour l’électroménager Le secteur de l’électroménager est également concerné. Whirlpool Chine aurait signalé des problèmes d’approvisionnement : 10% des volumes commandés n’auraient pas été livrés en mars. En Allemagne, c’est Liebherr dont la production est perturbée par des retards de livraison. Les tensions sont d’autant plus importantes que la demande européenne pour ces produits a augmenté de 11% l’année passée. Cette industrie en particulier représenterait 13% de la consommation mondiale de puces électroniques et, comme l’automobile, ses besoins augmentent au fur et à mesure que les produits connectés sont mis sur le marché.
La construction d’imprimantes 3D, comme bien des machines de production, est également exposée à des ruptures d’approvisionnement. Ces équipements intègrent en effet de nombreuses puces et la menace qui pèse sur le secteur pourrait compromettre l’adoption de ces technologies pendant quelques mois. Certaines technologies, comme celle du jet de matière, reposent sur l’exploitation de systèmes électroniques complexes. Le premier exemple de la façon dont la crise actuelle impacte le secteur est en fait la survenue d’une autre pénurie. Il est en effet de plus en plus difficile de trouver des têtes d’impression pour le modèle MJP 2500 W de 3D Systems
L’UE représente moins de 10% de la production mondiale de puces électroniques et prétend désormais retrouver sa souveraineté digitale au moyen d’investissements massifs dans ce domaine en particulier. La communauté s’est ainsi fixé pour objectif de peser pour près de 20% de la production mondiale d’ici 2030, si l’on compte les processeurs.