On peut également s’attendre à ce qu’un tel schéma se répète pour les segments du rPE et du rPP. La situation est d’autant plus préoccupante qu’elle pourrait durer jusqu’en mai, un mois qui s’accompagne généralement d’un pic saisonnier de la demande pour ces matériaux.
Un impact de long-terme sur les marchés en aval
L’impact sur les marchés européens du rPE et du rPP dépendra cependant des marchés en aval. L’industrie automobile est par exemple à l’arrêt. On ne peut donc s’attendre à ce que la demande de grades polyéthylènes et polypropylènes recyclés n’augmente fortement au cours des semaines à venir, d’autant plus que plusieurs constructeurs et équipementiers ont récemment fermé plusieurs de leurs sites de production.
Le secteur du bâtiment est quant à lui moins impacté par l’épidémie de coronavirus, ou en tout cas indirectement. Il risque en revanche de souffrir du ralentissement économique général annoncé pour l’Europe. Le marché du mobilier de terrasse et de jardin pourrait, lui aussi, passer un été maussade. Cela signifie que les producteurs de rPP et de rPE seront confrontés à une baisse plus ou moins forte de la demande pour leurs matériaux, et ce de la part de plusieurs débouchés. Ce phénomène, associé à une augmentation de leurs coûts variables de part la probable augmentation des prix des déchets, pourrait en conduire certains à la faillite.
Le marché de l’emballage agroalimentaire envoie en revanche des ondes bien plus positives. Les consommateurs devraient logiquement favoriser les conditionnements en plastique, car ces derniers sont perçus comme plus hygiéniques. A cela s’ajoute la hausse de la consommation de produits hygiéniques et ménagers, pour la plupart emballés avec du plastique. Reste à savoir quelle place les recycleurs pourront occuper sur ces segments.
Comme évoqué plus haut, l’économie circulaire ne fait plus partie des premières préoccupations de la plupart des donneurs d’ordre qui, pour répondre rapidement à une hausse de la demande, risquent de privilégier les matériaux plus aisément disponibles, et donc les polymères vierges. Cette tentation devrait être d’autant plus grande que les prix de la plupart des grades rPET, rPEHD et rPP sont tous plus élevés que ceux de leurs équivalents vierges.
Pénurie de main d'oeuvre liée à l'épidémie
Comme bien des plasturgistes, les recycleurs de plastique sont également confrontés à des problématiques liées à leur main-d’œuvre. Leurs collaborateurs ont en effet plus de difficulté à se rendre sur leurs lieux de travail en raison des règles relatives au confinement. A cela peuvent également s’ajouter d’éventuels problèmes de trésorerie s’ils n’arrivent pas à vendre leurs matériaux.
Enfin, et comme de nombreux industriels, les recycleurs doivent eux aussi composer avec des difficultés logistiques. L’approvisionnement en déchets produits localement n’est bien souvent pas possible pour eux. Il est cependant de plus en plus difficile de se fournir en déchets produits ailleurs en France, voire à l’étranger, et il est fort à parier que la situation risque de s’aggraver si jamais une pénurie de déchets plastiques survenait.
Multiplication des difficultés logistiques
Le manque de camions pose également la question de la livraison aux clients qui, lorsqu’ils sont encore en activité, ont souvent des besoins urgents. Le fait que les bateaux et transports routiers se fassent plus rares devrait aussi provoquer une hausse des coûts du fret. La marge des recycleurs pourra-t-elle l’absorber ?
L’ensemble de ces facteurs risque donc de causer des dommages importants à une filière déjà insuffisamment développée en France. Les recycleurs de matières plastiques sont pour la plupart des PME, et donc plus exposés aux aléas de la conjoncture économique. Les dégâts causés par cette épidémie, et la crise économique qui risque de lui faire suite, pourraient avoir des répercussions pendant plus années.