Interview Bibiane Barbaza, chargée de mission économique

13 juin 2022

Bibiane, vous êtes chargée de mission économique chez Polyvia. En quoi consistent vos missions ?

Mes missions au sein de Polyvia s’articulent autour de deux axes. Une activité de veille d’une part, et l’animation de l’offre Achats, d’autre part. Mon activité de veille est étroitement liée à l’élaboration de la newsletter performance économique, sur le point de devenir la newsletter performance, qui sera construite en collaboration avec les services Performance industrielle et Performance durable de Polyvia. Je travaille notamment avec le logiciel KB Crawl, auquel on a instruit des mots clés en plusieurs langues, ce qui nous permet d’aller chercher des contenus en lien avec la plasturgie, l’industrie, et des sujets plus généralistes à partir de plusieurs centaines de sources que nous avons répertoriées. Cela revient à faire de la curation de contenu, il y a certains articles que l’on choisit de garder en réserve pour alimenter nos activités de veille, la rubrique tendance de notre magazine Le Plastilien, les articles du site web de Polyvia, ou encore les rapports comme le recyclage chimique publié récemment. La veille vient également alimenter mon activité concernant l’offre Achats. Tout le suivi sur les tendances de prix, ainsi que les webinaires sur la prévision des tendances et sur les surcharges énergétiques proviennent de la veille et de la collecte d’information. C’est un travail d’analyse que l’on réalise pour les adhérents. Des événements récurrents sont organisés dans l’année, tels que les Achats. Je prends la parole au sujet des tendances de prix polymères, et je fais intervenir à mes côtés un expert différent sur une thématique donnée. L’objectif est d’offrir aux acheteurs plus de visibilité sur les matières premières et sur leurs disponibilités. Nous pourrons d’ailleurs reprendre très prochainement ces événements en présentiel, puisque la vocation première de ces événements est de permettre la mise en réseau. En effet, la plasturgie est une profession dans laquelle les acheteurs peuvent se sentir isolés, il est donc primordial de leur offrir un espace pour l’échange de bonnes pratiques, des contacts fournisseurs etc. Les commissions Achats me permettent également d’agrandir mon réseau pour répondre aux besoins de dépannages de matières. Même si ce n’est pas toujours facile, j'essaie de pouvoir identifier des potentiels preneurs ou dépanneurs. La « journée achat matière » est un événement, exclusivement réservé aux adhérents. Il s’agit d’un événement historique, autrefois organisé par l’ancienne fédération de la plasturgie. Il est attendu comme « LE » grand événement des achats matières de l’année ! Il s’organise autour d’un cycle de conférences, dont le but est principalement prospectif, et invite à prendre de la hauteur.

Peut-on revenir sur votre parcours professionnel ?

J’ai une formation d’économiste, je me suis ensuite spécialisée en économie environnementale aux États-Unis, pendant mes études. J’ai par la suite été admise à Sciences Po, et je me suis rendu compte que cela ne me correspondait pas. J’ai ressenti un choc culturel et un besoin de plus de « concret ». En économie, il n’y a pas de débat sur la réalité économique. Néanmoins, il est difficile de revenir à l’économie après avoir fait Sciences Po, j’ai donc bifurqué en intelligence économique. J’ai alors intégré l’équipe d’Allizé-Plasturgie en tant que Chargée de veille en stage, mes missions tournaient essentiellement autour de la veille et des prix matières. J’ai ensuite signé mon premier CDI, et de fil en aiguille, j’ai repris le pilotage de l’offre Achats, une mission qui s’est officialisée au moment de la fusion et du passage sous Polyvia.

En tant que Chargée de mission économique, quel regard portez-vous sur les enjeux actuels, au niveau environnemental et économique ?

Pour commencer, on ne fait pas de développement durable avec du chômage. L’autre constat, c’est que l’industrie est un foyer d’emplois. Il y a notamment de grosses opportunités de création d’emplois dans le recyclage. L’économie circulaire est une réponse à la gestion des déchets, mais nous sommes dans une époque où il faut se reposer la question des déchets. La production va encore augmenter, et il faudra repenser notre système, il y a certainement des clés à trouver dans le réemploi, dans la lutte contre l’obsolescence programmée etc. En Europe, nous entrons dans une époque charnière. Nous avons d’une part le dépérissement des industries lourdes et de la pétrochimie, et d’autre part la prise de conscience que l’économie circulaire des plastiques est l’un des éléments de réponse au réchauffement climatique. Les investissements récemment annoncés dans le recyclage mécanique et chimique des polymères n’auront de réel impact sur le marché que d’ici quelques années, alors que les approvisionnements de la filière européenne de la plasturgie et des composites dépendent étroitement du reste du monde. Investir dans le recyclage chimique n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, mais on peut craindre que cela n’accélère la compétition sur le marché des déchets. Si l’on ne risque pas de sitôt d’arrêter la fabrication des produits en plastique, la tendance est tout de même à la réduction des déchets, en tout cas au niveau politique. Le risque, c’est d’assister à la formation d’un environnement économique où les ressources sont rares : où il n’y a ni assez de polymères vierges pour couvrir les besoins de chacun, ni assez de déchets pour soutenir l’activité des filières du recyclage mécanique ou chimique alors que la demande va augmenter du fait des évolutions réglementaires. Le jeu de l’offre et la demande veut que, lorsque la première est insuffisante, les prix augmentent. Il faudra également composer avec la méconnaissance des matériaux par les consommateurs finaux. On manque d’une réflexion globale au niveau de la filière, qui aille de l’amont vers le client final. Sur l’aspect environnemental, la pollution des plastiques est partout, mais le plastique n’est pas forcément « mauvais », je dirais plutôt qu’il a les défauts de ses qualités. Néanmoins, le cadre réglementaire est changeant, et cette instabilité va continuer à tendre vers plus de contrôles sur les usages des plastiques. Je crains, à terme, que cela ampute la compétitivité européenne de la filière. Par exemple, la Chine et les États- Unis régulent moins vite ou différemment. Il y a des interdictions de produits, mais pas systématiquement d’obligations d’incorporation de matières recyclées comme en Europe. Globalement, nous sommes déjà dans un cycle inflationniste et nous ne sommes pas soumis aux mêmes exigences que d’autres pays.

Quel paysage de la plasturgie projetez-vous à moyen terme ?

Malheureusement, il y a des entreprises qui vont disparaître ou cesser d’exister sous leur forme actuelle. Il y aura des opportunités de rachats, d’acquisitions. On risque de voir des secteurs se concentrer, ce que l’on constate déjà avec les polymères techniques. Par exemple, il y a peu de producteurs de polyamides en Europe, et le choix des fournisseurs est restreint. Si l’un d’eux rencontre un problème de production, les plasturgistes ont moins d’interlocuteurs vers qui se tourner pour éviter la rupture d’approvisionnement. Certains secteurs de la plasturgie comportent peu d’acteurs, et on observe la même problématique pour les donneurs d’ordre en aval de la filière, ou les plasturgistes qui s’approvisionnent auprès de confrères. Or, on sait que pour sécuriser une chaine d’approvisionnement, il ne faut pas dépendre d’un fournisseur unique. Le paysage va donc changer. On a pu le constater dans l’aéronautique, avec Airbus qui a racheté des équipementiers de niche. Il faut également garder à l’esprit que le temps politique est beaucoup plus court que le temps industriel, donc si le cadre réglementaire évolue, les industriels n’ont que quelques années pour remettre en question tout leur process. Pour certains, cela suppose une grosse montée en compétences et des investissements importants. Comme évoqué plus tôt, le cycle inflationniste actuel fait que tout coûte plus cher : la production, les machines, l’électricité, les matières… Et le risque géopolitique ne fait que renforcer les incertitudes.

Quelles sont les missions qui vous animent particulièrement ?

J’aime beaucoup travailler sur le suivi des marchés, je ne dispose pas forcément de grosses prédispositions sur les matières mais j’aime regarder ce qu’il se passe sur tous les marchés de la plasturgie. J’ai par ailleurs une appétence personnelle pour l’emballage. En revanche, je suis parfois limitée car je ne suis pas ingénieure et j’aimerais avoir une compréhension plus fine. J’aime également avoir une vision globale sur tous les impacts de l’évolution du cadre réglementaire. J’apprécie la relation privilégiée que j’entretiens avec les adhérents. J'espère être une personne ressource dans les moments difficiles, je les ai régulièrement au téléphone, cela a été le cas notamment pendant la période compliquée que nous venons de traverser. J'ai essayé d'être présente quand nos adhérents en avaient besoin et qu'ils manifestaient un besoin d’écoute. J’ai également des interlocuteurs qui ont beaucoup d’humour, on a pu nouer une relation de confiance. Pour pouvoir leur répondre au plus juste, j’écoute beaucoup de podcast, je me renseigne sur la géopolitique, j’apprends du terrain… Je préférerais avoir des bonnes nouvelles à annoncer mais les mauvaises nouvelles sont « challengeantes » !