Contexte
2022 n’a pas échappé à la règle : le recyclage chimique des polymères a continué à susciter l’intérêt des industriels de la plasturgie comme de la pétrochimique, mais également celui des institutions politiques en Europe et ailleurs. L’annonce du projet d’investissement d’Eastman en Normandie en constitue un exemple édifiant, puisque celle-ci a été faite conjointement par Mark Costa, le CEO du groupe, et Emmanuel Macron.
Evolutions réglementaires à l’horizon…
Les investissements et le démarrage de (rares) capacités de recyclage chimique de déchets plastiques a également éveillé l’intérêt d’instances réglementaires. Le Michigan devenait en décembre 2022 le 21ème Etat des Etats-Unis à adopter une législation sur le sujet. Celle-ci ambitionne d’encourager les investissements du secteur, bien que plusieurs voix se soient élevées pour s’y opposer, en invoquant notamment l’impact environnemental potentiel de ces technologies.
En Europe, la Commission européenne adoptait en septembre 2022 une législation visant à mettre à jour les règles relatives à l’utilisation de matières plastiques recyclées pour des applications de contact alimentaire. Il s’agissait désormais de tenir compte tant des polymères issus du recyclage mécanique que de ceux issus du recyclage chimique.
Le service Performance économique n’a pas trouvé trace de réglementations équivalentes, effectives ou en cours de construction, pour les autres régions du monde. Cela ne signifie pas pour autant que le sujet n’est pas exploré ailleurs qu’en Europe ou en Amérique du Nord. Le ASEAN Circular Plastics Summit 2023, qui aura lieu en mars 2023 à Bangkok, prévoit notamment d’étudier la question.
Si les partisans du recyclage chimique des polymères défendent des réglementations permissives, qui permettraient notamment de classifier les déchets plastiques comme « matières premières », de changer la définition du recyclage pour tenir compte de ces nouvelles technologies et de financer les investissements via des subventions ou des avantages fiscaux, les ONG sont nombreuses à proposer une vision tout autre des réglementations à appliquer.
Pour des organisations telles que la WWF ou Zero Waste, le recyclage chimique des déchets plastiques constitue un risque important pour la santé humaine et l’environnement, d’une part à cause des substances potentiellement utilisées, et d’autre part en raison des résidus de production qui pourraient en être issus. Cette vision est partiellement soutenue par l’ECHA, l’Agence européenne des produits chimiques, qui partageait ses conclusions sur le sujet dès 2021. Selon elle, les informations disponibles dans la littérature scientifique récente ne sont pas suffisantes pour avancer que les procédés de recyclage chimique sont capables de gérer les substances préoccupantes présentes dans les déchets plastiques.
En somme, la réglementation relative au recyclage chimique des déchets plastiques pourrait, en 2023 et les années suivantes, évoluer de façon différente en fonction des régions du monde. On peut ainsi envisager des réglementations plus contraignantes, mais pas forcément bloquantes, dans les zones où la santé des consommateurs et la réduction de l’impact environnemental de l’industrie sont priorisées – en Europe, par exemple. Ailleurs, comme aux Etats-Unis, des réglementations moins contraignantes, voire financièrement avantageuses, pourraient voir le jour afin de relancer l’économie.
Pourtant, l’Europe est restée première de la classe en 2022, en tout cas en matière de recyclage chimique. Les pétrochimistes et autres acteurs du secteur semblent en effet miser sur l’approche et l’alourdissement des échéances réglementaires relatives à l’économie circulaire.
… et opportunités de croissance à foison
L’industrie avance en effet dans sa transition vers des carburants, des matières premières et des énergies plus renouvelables. De plus en plus de grandes marques s’engagent à repenser leurs produits pour plus de circularité et, dans certains cas, mettent à jour les objectifs annoncés préalablement pour aller encore plus loin dans ces démarches. Contrats de fournitures d’électricité verte et de matières premières – au moins en partie – renouvelables sont régulièrement signés de part et d’autre du monde par des multinationales bien célèbres. Ces engagements impactent de plus en plus les emballages et autres produits en plastique mis sur le marché, tant en termes de matériaux utilisés, de méthodes de production, de conception que de gestion de la fin de vie de ces derniers. Conséquence : la demande mondiale de matières plastiques « circulaires » augmente très rapidement, mais les capacités de production de ces dernières ne progressent pas au même rythme.
Les défenseurs du recyclage chimique envisagent ces technologies comme une solution viable, à activer en complémentarité des solutions déjà existantes (recyclage mécanique, optimisation de la collecte et du tri, réduction, réemploi…). La construction d’unités à échelle commerciale s’avère cependant coûteux. Les pétrochimistes peuvent alors, pour justifier leurs investissements et évaluer la rentabilité de leurs futures exploitations, s’appuyer sur les échéances réglementaires annoncées de part et d’autre du monde. Car l’Europe n’est pas seule, même si ses réglementations sont parmi les plus poussées.
En bref, cela signifie que les plasturgistes issus de nombreux pays du monde devront, à terme, utiliser des matières plastiques recyclées. Il leur sera toutefois très difficile, voire impossible, de recourir à des polymères issus du recyclage mécanique pour certaines applications (alimentaire, médical, électronique…) tant que la réglementation n’évoluera pas dans ce sens. Ce sont donc d’importants segments de marché qui s’ouvrent aux acteurs du recyclage chimique.
Selon McKinsey, les capacités mondiales de recyclage chimique des plastiques pourraient atteindre 20 à 40 millions de tonnes annuelles d’ici à 2030 – et donc représenter 4% à 8% de l’offre mondiale de polymères. Atteindre de telles capacités nécessiterait cependant un investissement total supérieur à 40 milliards de dollars.
En bref, cela signifie que les plasturgistes issus de nombreux pays du monde devront, à terme, utiliser des matières plastiques recyclées. Il leur sera toutefois très difficile, voire impossible, de recourir à des polymères issus du recyclage mécanique pour certaines applications (alimentaire, médical, électronique…) tant que la réglementation n’évoluera pas dans ce sens. Ce sont donc d’importants segments de marché qui s’ouvrent aux acteurs du recyclage chimique.
Selon McKinsey, les capacités mondiales de recyclage chimique des plastiques pourraient atteindre 20 à 40 millions de tonnes annuelles d’ici à 2030 – et donc représenter 4% à 8% de l’offre mondiale de polymères. Atteindre de telles capacités nécessiterait cependant un investissement total supérieur à 40 milliards de dollars.